La carrière du groupe est déjà jalonnée de tubes mais KORN persiste et signe. Ça vous pose un problème ?
Fort d’un style musical audacieux et déstabilisant, KORN a déjà révolutionné le monde du heavy metal en défiant tout tentative de catégorisation et en se présentant aux fans lors d’événements multimédias sans précédent. Avec See you on the other side, première collaboration avec EMI/Virgin Records, sa musique atteint d’incroyables sommets, insoupçonnés jusqu’alors. Cette alliance inédite permet à KORN d’être encore plus novateur dans sa manière de présenter sa musique à ses fans, comptant parmi les plus farouchement fidèles de l’histoire du rock. A l’écoute de chansons aussi audacieuses que Twisted Transistor, Politics et Love Song, entre autres, il apparaît clairement que KORN (JONATHAN DAVIS, JAMES “MUNKY” SHAFFER, FIELDY et DAVID SILVERIA) ouvre grand les portes d’une créativité toujours renouvelée et d’une plus grande fusion, quitte à créer la confusion... Et personne ne sème mieux la confusion que KORN.
« Nous étions assis là, un membre du groupe en moins, et nous avons décidé de tester d’autres producteurs, d’expérimenter et de voir ce qui se passerait », explique DAVIS en faisant allusion au départ de l’ancien guitariste Brian « Head » Welch (qui a quitté le groupe pour des raisons spirituelles) et à la décision du groupe de rallumer le feu en studio après l’album autoproduit Take A Look In The Mirror, paru en 2003. « Nous en étions arrivés à un point où se renouveler et réinventer était fondamental : nous sommes là, tous les quatre, nous essayons de créer une musique différente de ce que nous avons déjà fait, une musique qui va donner une bonne claque au public. En tant que groupe, nous avons la possibilité d’explorer toutes les directions, pourquoi nous restreindre ? »
Signe d’une grande ouverture d’esprit, KORN, qui a déjà vendu plus de 25 millions de disques dans le monde et a regroupé ses œuvres dans Greatest Hits, Vol. 1, paru en 2004, entre donc en studio avec une équipe de producteurs radicalement différents. La seule constante, DAVIS, qui s’est occupé de la majorité des productions du précédent album, reste producteur sur SEE YOU ON THE OTHER SIDE, avec la collaboration de l’ équipe Matrix et Atticus Ross. « Nous savions que nous voulions expérimenter et voir ce qui arriverait, mais nous n’avions aucune idée du résultat », s’esclaffe DAVIS. « La sauce a vraiment bien pris : nous avons peut-être perdu l’un de nos membres mais, avec Atticus et Matrix, nous en avons gagné deux autres. »
Le résultat ? L’album le plus révolutionnaire de KORN, enfant bâtard et tordu d’une fureur musicale aveuglante, d’une candeur lyrique sombre et cinglée aux sanglantes tendances sociopathes. Jusqu’alors KORN réprimait une certaine forme de force industrielle, elle est aujourd’hui libérée et KORN atteint le sommet de son art. SEE YOU ON THE OTHER SIDE est bien plus que le résultat d’une évolution de KORN, l’album marque l’évolution du heavy metal.
« Il nous en faut toujours plus », explique DAVIS. « De nombreux groupes font du heavy et le font bien mais nous avons toujours eu tendance à pousser la barre plus haut et à revenir avec autre chose. Nous nous sommes engouffrés dans un genre musical et nous essayons désormais de garder une longueur d’avance. Ce n’est surtout pas du KORN minimaliste ou vieille école : il s’agit pour nous d’une progression naturelle et nous allons encore un cran au-dessus. »
Juste un cran au-dessus, certes, mais avec des effets dévastateurs : Twisted Transistor, le premier titre extrait de l’album, irradie un funk hybride mêlé à des consonances métalliques apaisantes qui se déversent ensuite en rafale sur l’attaque de guitares décapantes de Politics, sur les textures industrielles de Throw Me et la précision militaire de l’hymne Coming Undone. Tandis que Eaten Up Inside et Getting Off s’inscrivent dans le sillon du chemin ravagé que KORN a tracé sur son passage, les vrais joyaux sont à chercher dans leurs manipulations plus poussées. Quand DAVIS fait remarquer que Love Song est amené à impressionner « tous les gothiques déprimés qui traînent », sa délivrance s’inscrit plus dans la lignée de David Bowie que dans celle du death metal de Bauhaus.
« Quand, à l’écoute de notre musique, nous nous regardons avec la peur aux tripes, nous savons que nous avons composé quelque chose de spécial », explique le chanteur. « C’est comme ça que nous savons que nous explosons toutes les barrières et explorons de nouveaux horizons, parce que nous en avons peur ! » Effrayant serait sans doute l’adjectif le plus adapté pour définir l’épique Seen It All, qui, à partir d’une intro ténébreuse, boueuse et vrombissante, sombre ensuite vers des profondeurs destructrices et cathartiques. KORN s’est toujours directement adressé à ses fans via sa musique, ce nouvel opus n’y fait pas exception. En fait, DAVIS a trouvé en ses co-producteurs les collaborateurs parfaits pour libérer tous ses démons intérieurs.
« J’ai écrit sept albums qui valent leur pesant de cacahuètes et j’ai mon propre style, mais je voulais quelque chose de différent, pas le genre de paroles que j’ai l’habitude d’écrire. Je veux m’affranchir et dire les choses différemment. Rassembler ces gens différents autour de moi, avec leurs perspectives différentes et leurs talents divers eux aussi, ça m’a vraiment beaucoup aidé. J’ai toujours eu du mal à exprimer ce que je veux dire parce que je suis constamment limité par la mélodie ; ils m’ont vraiment beaucoup aidé pour ça sans pour autant nous faire perdre notre son. »
Pour preuve, précipitez-vous sur le titre qui clôt l’album, Tearjerke, où les arrangements ont des sonorités ambiantes, douces et stellaires, et pourtant le bagage émotionnel est définitivement heavy. « Cette chanson s’inspire de ces jours sombres, où je suis sur la route par exemple, que je commence à me prendre la tête avec ma meuf et que j’ai l’impression que je ne peux aller nulle part ni faire quoi que ce soit, ces jours où je me sens si seul qu’il n’y a même pas de fantômes pour se les cailler à mes côtés. Je sais que les gens peuvent comprendre ce sentiment, peut-être pas exactement comme moi je le ressens, parce que tout le monde n’est pas sur la route, mais tout le monde connaît ses propres heures sombres et ces foutues relations, la perte de l’être aimé et ils se disent « Putain qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire maintenant ? ».
Plus généralement, For No One, emprunte les accents d’une révolte adolescente sans être bien sûr limitée par les frontières de l’âge. « C’est une révolte très adolescente mais j’ai toujours ce sentiment en moi aujourd’hui », explique DAVIS. « Les gens essayent de lui accoler l’étiquette « crise d’adolescence » mais je ne pense pas que ce soit vraiment ça : personne ne se débarrasse définitivement de sentiments comme ceux-là. Il y a des moments où j’ai juste envie de prendre la bagnole et de foutre le bordel. Et puis continuer et foutre encore plus le bordel. En fait, il s’agit plus de l’Amérique en général, les conservateurs me font enrager. J’’adore mon pays mais ça me rend complètement dingue ! Un téton entraperçu et le monde entier s’arrête de tourner ! Qu’est-ce que ça fait si un gosse voit un bout de sein, putain ! »
Sur un ton plus léger, le leader du groupe a des mots plus colorés pour décrire les paroles rythmées et le sursaut techno et effervescent de Open Up. « Fieldy a une basse très funky sur ce morceau, c’est vraiment une chanson pour bar à putes. »
Si quelqu’un a un problème avec la source d’inspiration de DAVIS ou le choix des mots « bruts de décoffrage » qu’il emploie, Hypocrite a été écrit pour lui. «Ce morceau, c’est un vrai cri du cœur », explique-t-il, réprimant un rire. « C’est ma flèche décochée aux religions organisées et à tout mouvement en général, tous ces cons qui prennent notre argent au nom de Dieu ! On peut les voir dans les bars à putes, ce sont de sacrés hypocrites. » Tout cela servi avec un soupçon d’autodérision : quand on y réfléchit, le refrain de Hypocrite résonne un peu comme un chœur de Broadway un peu déglingué et ce n’est pas un hasard. « Je vais vous avouer une chose, Broadway, j’adore. J’ai grandi avec ça ! Et ces influences osent enfin sortir du placard. La raison qui m’a fait aller vers le rock, c’est Jésus Christ Superstar. Marrant, non ? Bien sûr quand c’est sorti, comme c’était un opéra rock, ils ont cru que c’était un blasphème. »
Un blasphème. On en a dit autant sur KORN, ce qui ne l’a a pas ralenti d’une semelle. Le plus effrayant ? Le groupe devient de plus en plus fort. Si la première décennie de KORN a signé l’avènement d’une ère nouvelle pour le heavy, accrochez-vous parce que la prochaine décennie démarre aujourd’hui avec le maelström le plus implacable du groupe à ce jour.
